Alicia Spencer | Terminée

"Tu te fous de moi Charlie ?! Le client la veut pour 15 heures et toi...TOI TU VEUX TE BARRER !? Tu veux mourir c'est ça ?!"

On l'aura comprit, je pense, que je n'ai pas un caractère très facile. Non, pas du tout même, surtout lorsque je suis contrariée. J'aime respecter mes délais, mon commerce marche par le bouche a oreille, la confiance et lorsque quelque chose ne tournait pas rond, je ne mettais pas longtemps pour mettre les pieds dans le plat. A me regarder, on aurait tendance a me penser douce et fragile, ce n'est pas tout a fait le cas. De toute façon, on ne peut pas l'être lorsque l'on fait un métier dit "de mec" et qu'en plus, on a une demi douzaine d'employés essentiellement masculin sous ses ordres. Donc, j'ai très vite appris a me faire respecter, développant un art pour la remballe sauvage assez pointu.

Je fusillais Charlie du regard alors qu'il tripotait sa salopette comme un gosse prit en faute. Il n'était jamais très bon de me mettre en colère, c'est vrai.

-C'est que...Lucie va accoucher alors...

Putain le con !

"ET TU POUVAIS PAS LE DIRE PLUS TOT TETE D'ANCHOIS ?! Dégage et plus vite que ça !"

Mais sortit de cela, je suis tout de même juste avec mes gars, il ne me viendrait pas a l'idée d'abuser de mon autorité ou même de ne pas les arranger lorsque c'est nécessaire. Ils ont confiance en moi et moi en eux, mais il est hors de question que je me laisse marcher sur les pieds ou de briser cette confiance. Cela dit, il m'arrive de manquer de diplomatie j'en convenais, même si je faisais des efforts en ce sens sachant que l'on attrape plus facilement des mouches avec du miel. Lorsque j'ai quelque chose a dire, je le dis, point final. On sait toujours sur quel pied danser avec moi. Dis comme ça, ça fait un peu brutal et sans doute est ce un peu le cas.

Je me retournais d'un bond, hélant un grand type aux boucles brunes et tatouages plein les bras :

"Spence ! Tu reprends la Mercedes ! J'ai du champagne et une peluche a acheter, je te laisse la boutique deux heures !"
-Ca marche boss ! On dirait qu'on va faire la fête.
"On dirait bien oui !"

Et je partis sur un grand éclat de rire. Parce que derrière mes abords un peu trop franc du collier, j'étais une femme qui aimait rire, passer des soirées tranquillement lovée sur son canapé devant un film a l'eau de rose, son furet sur les genoux et son chien a ses pieds. Bien souvent j'échangeais des commentaires avec eux, même si leur langage n'est pas celui des hommes, même si leur inteligence et leur raisonnement n'était pas semblable au mien. Toujours entourée, je n'ai jamais vraiment ressentit la solitude, ce qui fait que je suis plutôt sociable, n'ayant pas peur des nouvelles rencontres.

Il neigait lorsque je suis née. Peut être est ce pour ça que j'aimais l'hiver, contrairement a d'autre qui haïssait le froid. Moi je ne voyais pas l'hiver comme une saison froide, après tout, il y avait noël n'est ce pas ? Noël et mon anniversaire évidemment. En bref, je suis née un 23 décembre. De parents tout ce qu'il se fait de plus british, sauf que mon père fut déçu. Il éspérait un garçon, mais il eut droit a une fille. Maman tenta bien de le rassurer, ils en auraient un autre et, malheureusement, le temps passa sans qu'un petit mâle ne pointe le bout de son nez. Ne pensez pas que mon père ne m'aimait pas, ce n'était pas vrai, mais il reporta ses frustrations de père attentif a son fils sur moi. En gros, je dirais qu'il m'éleva comme un mec. Passionné de mécanique, il me transmit son savoir et il n'était pas rare de me voir crottée jusqu'aux oreilles de camboui et autre matière étrange. Je ne portais pas de mignonnes petites robes rose, ni même de noeud dans les cheveux, non moi c'était jean, tee shirt trois fois trop grand et coupe courte. Oh ma mère m'inculqua tout de même quelque valeur féminine, mais elle ne pouvait rien contre la complicité qui été née entre mon père et moi. Alors en désespoir de cause, elle préféra en sourire et abandonner l'idée de me voir porter une jupe. Néanmoins, c'était toujours vers elle que je venais a l'adolescente parler de pillule, de petits amis. J'étais une fille bien dans sa peau, pas sulfureuse, pas sensuelle peut être, pas..Allumeuse sans doute mais, étrangement, j'avais plus de succès que toutes ces pimbêches décolorées...Ou alors, on aimait particulièrement mon habilité a tripoter leur moteur...Non, je ne parlais pas de celui là.

Mais jamais, jamais je ne leur ai parlé de ce don, de ce..truc qui rythmait ma vie depuis ma naissance. Enfant, ma mère pensait que j'avais un ami imaginaire, je frôlais donc le psy, mais après tout, tout enfant aime s'imaginer des choses n'est ce pas ? Indulgente, elle me regardait parler a mon hamster, ce n'est que plus tard que je compris que je n'étais pas normale. Pas normale. Comme cette ville. Native de Reversa, j'en connaissais tout les mystères, ces monstres que l'on disait caché dans la nuit. J'étais née avec, j'avais grandit avec. Faire attention la nuit était un reflexe que l'on apprenait tôt, on avait sans doute un peu peur parfois, mais lorsque l'on baigne dans ce monde depuis la naissance, je crois que...L'anormal devient normal et la normalité dérangeante quelque part. J'étais une partie de cette ville, au même titre qu'elle était une partie de moi.

Bref, j'étais la fille d'un couple unis, aimant. Choyée par sa mère. Chouchoutée par son père. Je crois que le seul evenement notable de ma vie, ma blessure, fut la mort de mes parents. Un banal accident de voiture comme il peut y en avoir des centaines, des milliards dans le monde.

La Toyota de mes parents : 0
Le 38 tonnes en face : 1

J'avais 18 ans et je venais de perdre mon innocence ainsi que mon enfance. Je ne me souviens plus vraiment de ce moment là en vérité. Cela reste trop flou dans ma mémoire, même encore maintenant. Je me souviens de mon oncle allant et venant parmi les invités aux obsèques, leur hypocrisie sans doute, sa main sur mon épaule. Il m'a soutenu alors même que nous ne nous connaissions que peu. J'héritais du garage de mon père, de la maison et d'une somme confortable qui me permis de continuer mes études. Mais tout cela ne remplaçait pas leur absence, a aucun moment.Encore aujourd'hui, il m'arrive de me perdre dans mes pensées, tenant entre mes mains un cadre où niche une photo de nous, au temps où tout n'était que sourire.

Au fil des années, j'ai fais mon deuil, lentement, douloureusement aussi malgré la présence de mon oncle, et, a l'âge de 23 ans, j'obtenais mon diplôme et repris le garage de mon père. Mes notions de gestion me permir d'en faire l'un des meilleurs de la ville, l'agrandissant, pouvant même me permettre deux employés de plus. j'avais gardé l'ancienne équipe, ils m'avaient tous vu grandir et, parfois, j'avais l'impression d'être leur petite fille a tous. Souvent, l'un d'eux me raccompagnait chez moi si jamais la nuit tombait trop vite, armé d'une petite lampe a UV faite non pour tuer mais pour repousser. La ville de tout les mystères. Un pacte que nous respections tous même si parfois la peur nous serrait le coeur, qu'importe, j'aimais cette ville telle qu'elle était.

Et puis tout changea subitement. Les règles établies s'effrondrèrent sous l'arrivée des anges. Créatures magnifiques que je vis arriver avec un mélange d'espoir et de peur. Une sensation diffuse de malaise. Ils mirent en place un couvre feu pour les créatures nocturnes, les mirent sous surveillance, sous contrôle. Dérapant parfois, je crois que j'ai encore en mémoire la destruction de la fôret, obligeant les elfes a se réfugier en ville. Sur le coup, je crois que j'ai traité ces anges d'imbécile...Finalement, quelque part, nous étions mieux sans eux, plus tranquille du moment que l'on respectait les règles. Mais je n'aimais pas la politique alors...Qu'ils s'étripent donc du moment qu'ils me laissent tranquille dans mon coin.

Et tout explosa.

-Allume ta télé ! Magne toi !

Le téléphone coincé entre mon épaule droite et mon oreille, je traversai rapidement ma cuisine pour rejoindre mon salon, Léo, mon berger allemand sur les talons, Ziggy mon furet calé sur mon épaule gauche.

"Mais qu'est ce qu'il se passe Richy ?"

Demandais je en me penchant pour me saisir de la télécommande posée sur l'accoudoir du canapé et faisant ensuite demi tour pour allumer la télé. Je ne comprenais pas la voix excité de Richy au téléphone. Avait il trop bu ? On pourrait se le demander, après tout, c'était le nouvel an n'est ce pas ? Moi, j'avais décidé de passer ma soirée tranquille avec Léo, Ziggy et Kâ, mon serpent, gentiment enroulé sur une branche placée au plafond au dessus de ma tête. Chez moi, mes animaux vivaient totalement libre, pas de vivarium, rien de tout cela.

..." Ce soir, aux environs de 00h00 heure locale, la mairie a explosée. Ce symbole du pouvoir angélique vient de partir en fumé et la Résistance revendique cet acte comme sien"...

Ma mâchoire se décrocha alors que je fixais les yeux agrandis l'écran, pendue aux lèvres de cette présentatrice blonde platine et aux images en arrière plan...

"Putain..."

soufflais je alors que Richy éclatait de rire, il avait l'air de jubiler lui...

-Tu as vu ça ?!

Je me laissai tomber dans mon canapé, les pattes sciées sur le coup.

-Tu trouve pas ça génial ?!
"Euuh...Je ne sais pas si génial est le terme là tu vois...Non mais Richy...Tu crois sérieusement que les anges vont se laisser faire?"
-Ils n'ont pas le choix, regarde ça, leur sois disant mairie vient d'être réduite a néant, de toute façon, il était temps que l'on récupère cette ville non ? Avant eux, on était tranquille avec le Pacte, ils ont juste foutu la merde !
"Ouais, ouais, mais en attendant...Faudra faire gaffe où tu mets les pieds parce que ça pue la guerre civile a plein nez là !"
-Tu penses ! Qu'est ce qu'ils peuvent faire contre les vampires et les lycans hein ?
"Je te rapelle que les vampires et les lycans sont plus tellement copain copain hein ! Donc d'ici a ce qu'ils se tapent dessus pour récupérer la ville, y aura des dommages collatéraux et ces foutus dommages, Richy, c'est toi et moi tu vois ?"
-Tu me déprime tiens !
"Ouais, je sais, mais j'te donne une raison de te souler ce soir."
-Pas faux ! Bon, je vais aller voir, faut absolument que je vois ça de mes propres yeux !
"Fais gaffe a tes miches surtout !"
-Pas de soucis ! Bye !

Et il raccrocha, me laissant pensive, l'oeil rivé sur l'écran. Et maintenant ? Et maintenant qu'allait il se passer ? L'avenir me semblait bizarrement incertain tout a coup...Léo fourra sa truffe dans ma main et même Kâ descendit de son perchoir pour serpenter sur mes genoux.

"Les gars, je crois qu'il va y avoir du changement..."

Et de chacun d'eux, je reçu un acquièsement alors qu'ils se resserraient autour de moi, déterminés a me protéger si quoique ce soit devait m'arriver.