Leah L. Morgan ♦ Sauvage comme des boucles au réveil

Du caractère, ça, Leah n’en manque pas ! Pour son propre bien, elle en a même un peu trop… Vindicative à ses heures, passionnée, emportée, impulsive dans sa vie privée… Les adjectifs manquent pour décrire l’ouragan qu’elle peut être. Bornée, intrépide, moralisatrice… Elle ne se laisse abattre par rien ni personne. En sa compagnie, oubliez la discrétion. D’une franchise à toute épreuve, elle n’en est pourtant pas gratuitement cruelle, ce qui n’est pas évident quand, comme elle, on a un œil aussi critique ! Une certaine empathie lui permet d’arrêter les frais avant de commencer à faire vraiment mal aux gens, ce qui lui vaut d’être appréciée par la plupart des gens malgré son caractère excentrique et emporté, lunatique à colérique. Dans sa vie professionnelle, ces défauts sont lissés. Pour des raisons évidentes, elle est contrainte de s’assagir. C’est un exercice auquel elle s’adonne sans problème, ayant à cœur d’être compétente. Leah adore son travail, n’en changerait pour rien au monde. Elle le voit comme une énigme perpétuelle, lui demande des trésors de ressources intellectuelles, accroît sa perspicacité, son culot, ses dons d’oratrice, ses facultés d’adaptation et de marchandage, sa flexibilité au compromis… Bref, ce travail fait d’elle une meilleure personne, plus alerte, plus retorse qu’un clou de cercueil, et elle le lui rend en déployant ses forces pour faire de cette terre un monde meilleur. En cela, elle est débonnaire, disponible et bienveillante. Au plus on est proche d’elle, au plus elle se plie en quatre pour faire plaisir, sans regarder ni à la dépense ni au temps passé.
D’une façon générale, elle est donc agréable à vivre malgré sa tendance à s’emporter. Elle a un très grand sens de l’humour qui couvre absolument tous les sujets, de l’humour noir au scabreux en passant par les blagues de merde, les blagues racistes etc, et a cette force d’avoir un très grand sens de l’autodérision. Cette femme est d’apparence insubmersible, aucune des vannes lancées contre elle ne peut l’atteindre. Au contraire, elle rebondit sur chacune (ses deux fesses l’y aident grandement), va plus loin dans le propos et n’hésite pas à s’humilier. Rien de tout cela ne la touche, de toute façon. D’une certaine façon, Leah a atteint un niveau d’existence supérieure. Toutefois, elle n’est pas non plus tout sucre tout miel, et à fond tous les jours. Comme tout le monde, elle a des bas et des défauts qui sont plus difficilement gérables. En l’occurrence, elle est d’un naturel froid et distant avec les étrangers. Si elle délire volontiers avec le premier venu, elle a une sainte horreur qu’on envahisse son espace vital et qu’on la touche sans son autorisation. Elle a tendance à juger rapidement, et si son travail l’oblige à faire des compromis, à peindre en nuances grisâtres, dans sa vie privée, il n’y a que du noir et du blanc. Il arrive qu’on la supporte plus qu’on ne l’apprécie. D’une froide jalousie, Leah a aussi une très (trop) grande fierté et attend beaucoup des gens. Dès qu’une situation la touche de près, elle se place en tant que juge et parti, tire souvent des plans sur la comète et prends des décisions basées sur des « si ». Cette formidable capacité d’anticipation est un calvaire à gérer pour ses relations sentimentales et est l’une des raisons pour lesquelles à plus de trente ans, elle n’a jamais vraiment vécu de vraie relation. En amour, elle est égoïste, ne donne rien sans avoir déjà reçu mais s’entiche souvent d’hommes qui ne donnent rien. Même si elle refuse de se l’avouer, se plaisant à s’imaginer comme une machine de guerre, Leah est une romantique dans l’âme. Son plus gros regret, ce qu’elle déplore le plus, c’est d’avoir eu plusieurs hommes dans sa vie. Elle aurait aimé n’en avoir qu’un, tomber tout de suite sur le bon. Les déceptions à répétition l’ont éprouvée, rendue méfiante, et ont fait mourir dans l’œuf les relations qui auraient pu aboutir à quelque chose. Seulement, pragmatique, Leah tente toujours d’élimer ce qu’elle pense être les raisons d’une rupture (qui est toujours de sa faute, bien sûr), sans se rendre compte que certaines histoires ne sont juste pas faites pour durer et que tout ce qu’elle fait, c’est se travestir. Le changement le plus radical dans son comportement suite à l’une de ces ruptures est le virage à gauche serré du mode « jalousie ». Autrefois maladive et enflammée, elle est à présent froide et désinvolte. Plutôt que de l’exprimer, Leah préfère se taire et philosopher. Ça ne fonctionne qu’à moitié. On n’y voit, certes, que du feu, elle parvient à convaincre le monde de son indifférence. Mais au final, à l’intérieur, ça devient Bagdad. Madame perd le sommeil, nourrit des envies de meurtre et sombre dans des épisodes dépressifs, persuadée que Monsieur mettra les voiles avec l’autre greluche à la première occasion. Le fait est que dans sa vie privée, Leah ne veut pas rencontrer de compétition, et qu’elle n’a pas encore compris que si elle n’est pas prête à jouer des coudes, rien ne lui tombera tout cru dans le bec.
A noter qu’elle se défoule en allant à la piscine et en faisant la cuisine. Le grand amour de sa vie, à l’heure actuelle, c’est la nourriture. Elle aime autant manger que cuisiner et commence à devenir vraiment douée en la matière. Evidemment, elle ne nourrit aucune idée de grandeur si ce n’est séduire quelqu’un dont l’estomac serait plus facilement corruptible que le cœur…

Leah est née à Honolulu, d’un père anglais et d’une mère hawaiienne, il y a un peu plus d’une trentaine d’années. De ses origines exotiques, elle conserve un talent certain dans la danse du hula (qu’elle pratique depuis toute petite), un amour du surf (qu’elle pratiquait de temps en temps, sans grande maîtrise), de la mer et du soleil sans égaux, et un petit quelque chose d’ensoleillé dans le teint, sans oublier la maîtrise d’une langue parlée nulle part ailleurs qu’en plein milieu de l’océan pacifique (en plus de l’anglais, avec un très léger accent). Heureusement pour elle, aucun incident fâcheux n’est à déplorer dans son cursus. Petite, elle n’a jamais manqué de rien, a été particulièrement gâtée et le fruit de toute l’attention aimante qu’un enfant peut souhaiter. Elle n’a jamais connu ses grands-parents paternels cependant, ce qui ne l’a pas dérangée outre-mesure. L’école se fit sans heurts majeurs. Il y a bien quelques enfants (ce sont de cruelles créatures) qui ont tenté de s’en prendre à elle en raison de son poids (ce qui l’a beaucoup peinée de prime abord), mais quand la vapeur s’est inversée et que ses bourreaux se sont retrouvés au pilori à sa place (en raison du fait que la majorité des hawaiiens sont en surpoids et que les petits plaisantins venaient de Californie, étaient donc des étrangers et ont été rejetés comme tels), Leah avait plus de peine pour eux que de haine et ne s’est donc pas jointe à la campagne de rejet qui les a frappés. Au contraire, elle a plutôt choisi de sympathiser avec eux, ce qui lui a valu son quart d’heure de gloire, lorsqu’elle s’est faite élire déléguée de classe. Qu’elle le veuille ou non, le leadership, Leah l’a dans le sang. Elle est trop honnête pour prendre crédit des actions de quelqu’un d’autre et détestant le sentiment de jalousie, d’envie, qui l’étreint parfois, elle évite autant qu’elle peut de le susciter chez les autres. Son plus gros échec en la matière est lorsqu’avec sa meilleure amie, elle a tenté de se faire élire présidente des élèves, au lycée. Son amie devait être la présidente et Leah sa vice-présidente. Lola, sa meilleure amie, a entendu trop souvent qu’elle aurait plus de chances de décrocher des promesses de vote si elles inversaient leurs rôles, ce qui a sonné le glas d’une amitié qui durait depuis la primaire. Le choc a été difficile à encaisser pour Leah, qui n’a pas baissé les bras et tenté à maintes reprises de se réconcilier avec Lola, qui, plus hargneuse et mauvaise (possédant donc les qualités d’une vraie politicienne), préférait saper les relations de son ancienne amie. Finalement lassée de ce comportement puéril, Leah a préféré couper les ponts avec la plupart de ses relations et s’en créer de nouvelles. L’éducation qu’elle a reçue n’est pas étrangère à la relative facilité dans laquelle s’est faite la transition. Petit à petit, ses parents lui ont appris à ne se soucier que des choses sur lesquelles elle peut influer, et de laisser les autres. Pragmatiques, ils lui ont appris à avancer, coûte que coûte, et à ne jamais s’apitoyer sur son sort, parce que ça ne sert à rien. Ils ont fait d’elle la battante qu’elle est aujourd’hui. Cependant, le recul nécessaire pour apprécier les joies des petites choses n’est venu que plus tard, aux alentours de ses vingt-cinq ans. Avant cela, il a fallu qu’elle terrasse tous les complexes et les peurs nés de sa lycanthropie. La sienne s’est déclarée un peu avant la puberté. Ses parents et elle ont eu un accident de voiture, ont fait plusieurs tonneaux (dont ils ont tous réchappé sans séquelles, en gros chanceux). Le choc a néanmoins déclenché le processus de lycanthropie, un peu trop jeune au goût de sa mère, qui espérait avoir une fille « normale » encore quelques temps. Son père, quant à lui, était plutôt content. Ça leur a permis de construire un vrai lien, qui même si très aimant, restait assez distendu jusque-là. Son père a donc pu lui apprendre à se maîtriser très tôt et les couacs et incidents ont pu être évités pendant l’adolescence. Bon, une fois ou deux, elle s’est laissée avoir par la colère contre Lola et s’est retrouvée en loup sans l’avoir voulu, mais globalement, Leah s’est toujours assez bien maîtrisée. A l’heure actuelle, sa maîtrise est parfaite, puisqu’elle est trop désinvolte pour que quoique ce soit dans son environnement ne la touche réellement. Bien sûr, c’est soumis à caution que rien ne l’agitant dans son dedans ne se présente, ce qui paraît peu probable. Quoiqu’il en soit, elle est à l’aise dans ses baskets, ça c’est certain. Aucune honte ne l’habite quant à sa nature de louve, c’est même tout le contraire. Ça lui donne une assurance que beaucoup lui envient. Ce caractère un peu sauvage de requin sous une peau de mouton lui a valu ses entrées dans la diplomatie. Leah est polyglotte et tenace, loyale, digne de confiance, dévouée à son pays, retorse et brillante. Les ambassades ont eu tôt fait de l’envoyer, sitôt sortie de Princeton, dans les endroits les plus à risques. Liban, Syrie, Afghanistan… Des causes désespérées. Bien sûr, elle n’a fait faire que de menus progrès à la démocratie, mais parvient à trouver son courage dans les petites victoires. Récemment rapatriée du Népal, son ambassade l’a d’ores et déjà assignée à son prochain déplacement. Il est d’ordre confidentiel. On l’envoie en Angleterre pour fureter un peu dans les affaires des britanniques… Evidemment, les membres haut placés de son ambassade ont finit par découvrir ce qu’elle était… Avec un père issu de Reversa de toute façon, comment pouvait-il en être autrement ? Mais cette mission ne porte pas le sceau de l’officialité, non. Le gouvernement anglais ne permettrait jamais aux américains de s’immiscer dans ses affaires… C’est donc comme touriste à la recherche de ses origines qu’on l’envoie, littéralement, dans la gueule du loup. Ce qu’elle pense de tout ça, après le dense briefing qu’on a eu l’amabilité de lui faire sur la ville ? Elle est sonnée. Elle a encore du mal à appréhender la complexité de la politique de la ville, mais se fera rapidement la main. N’ayant jamais rencontré de vampires, elle appréhende quelque peu. D’une façon générale, elle appréhende. Elle se demande si elle sera à la hauteur, et si elle ne risque quand même pas de ne jamais revoir son île adorée... Son père, lui, est en panique et l’a suppliée de ne pas y aller. Elle aurait peut-être dû l’écouter ?

Onze heures du matin, Leah flâne. Malgré le soleil, l’air reste frais, presque hivernal. Elle a dû, elle, fleur des îles, enfiler son plus épais manteau, une écharpe et un bonnet pour se protéger du froid. Pas de gants, cependant. Sinon, comment ferait-elle pour se servir du luxueux appareil photo qui pend à son cou ? Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle a la mitraille facile. Identique à un japonais, tout est sujet à prise de vue. Amour inconditionnel de l’architecture locale ? Nope. Madame ne perd pas son temps à prendre des monuments en photo. Ce qu’elle prend, ce sont les gens, héros du quotidien… Potentiels lycans, potentiels… Anges, elfes ? Potentiels n’importe quoi, sauf vampires. Il est trop tôt pour qu’ils s’ajoutent à la masse des badauds. Leah flâne et pense. Tellement de nouvelles choses, tellement d’odeurs nouvelles… Elle s’enivre volontiers de toutes ces fragrances encore inconnues. Ce qu’elle aimerait, c’est pouvoir les associer à quelque chose de concret… Mais c’est encore trop tôt. Elle est novice, profane, et le porte sur elle. Ici, elle croise des regards condescendants, presque mauvais. Là, elle en croise d’autres, plus froids, mais respectueux. Cette ambiance l’intrigue autant qu’elle lui pèse, elle a l’impression d’être nue au milieu d’une foule d’Inuits. Tous sont capables de voir à travers elle alors qu’ils ne sont qu’opacité à ses propres yeux… Mais au moins n’a-t-elle à déplorer aucun incident.

Sur les coups de midi, comme le soleil est de sortie, elle a décidé de s’installer en terrasse pour le déjeuner. Souffrant encore du décalage horaire, sa fringale de salé est galopante. C’est sans rougir qu’elle commande un carpaccio en entrée et un tartare avec des frites en plat principal. De toutes les cuisines du monde, la française est sa préférée. Parce qu’ils n’ont pas peur de manger de la viande crue, comme elle l’aime. Il faut avouer qu’elle aime aussi énormément la cuisine antillaise, très épicée. Quoiqu’il en soit, ses plats sont savoureux. Tout en les dégustant, Leah feuillette le journal local, à la recherche d’un appartement à louer. L’hôtel, c’est bien, mais sa mission n’ayant pas de date de fin, elle préférerait avoir un relatif chez elle, où elle serait libre d’elle-même cuisiner. Entourant des annonces ici et là, elle est distraite par l’arrivée dans son dos de deux clients, qui prenaient trop de soin à ne pas parler trop fort pour qu’elle n’écoute pas. D’habitude, l’indiscrétion ne fait pas partie de ses défauts, mais, seule, dans cette ville dont elle ignore presque tout avec des ennemis potentiels un peu partout, l’instinct de survie reprend le dessus et foule aux pieds tous ses principes de conservation de la vie privée. « Je te dis que ça sent pas bon… » La nervosité perce dans la voix de client N°1. « Mais non, je te dis que tu t’inquiètes pour rien… » répond, désinvolte, client N°2. « Billy et Diana, Joe et Marie… Combien d’exemples tu veux ? Il faut que ça t’arrive, à toi et Sarah, pour que tu comprennes ? » L’autre soupire. « Bah… C’est de la désinformation j’te dis. Ils peuvent pas nous la mettre à ce point là… » S’en suit un long, très long échange entre les deux qui permet à Leah de prendre un peu plus la température de la ville. Ce qu’elle en retire, c’est que pour chaque situation, plusieurs points de vue s’opposent en un éventail allant des partisans de la théorie du complot à ceux les plus enclins à se mettre des œillères. Démêler le faux, du vrai du probable dans cette mélasse est difficile pour elle, et elle espère que, bientôt, elle rencontrera une aide extérieure pour l’aguiller un minimum. En attendant, tandis qu’elle touille son café, elle en vient à se dire qu’il pourrait être intéressant pour elle d’intégrer la Mithra…