Harper Ravenwood ◊ Terminé

Harper est une femme haute en couleur. Le trait de caractère qui la définirait le mieux serait sa perpétuelle jovialité. Il est presque impossible de lui faire perdre son sourire, à moins que ce ne soit votre défi. C’est un véritable bout en train, toujours de bonne humeur et toujours prête à rire un bon coup. Pourtant il lui arrive que son regard se perde dans le vague, son esprit dans les nuages à des kilomètres de la terre. A cette instant, elle ne pense à rien, elle prend juste le temps de s’évader. C’est une jeune femme très ouverte d’esprit et très tolérante, peu importe les différentes races et les préjugés que les siens ont eu dans le passé. Elle fait fi de ce qu’ils peuvent tous penser. Elle préfère juger une personne à ses actes plutôt que de limiter une autre à ce que la majorité des gens pense sa race. Elle en devient d’ailleurs un peu naïve et un peu manipulable si elle ne fait pas attention, ce qui arrive certainement plus souvent qu’elle le voudrait.
Tout ça ne l’empêche pas d’avoir de nombreux défauts. C’est peut-être dû à sa condition de lycane, mais elle est d’une nature impulsive, sanguine. Elle s’emporte facilement, pour un rien parfois. Cela conduit souvent à un comportement excessif qui peut conduire à la rancune si l’on a trahi sa confiance et que l’on a abusé de sa naiveté. Enfin, son défaut le plus marquant est sa fierté, son orgueil. Lui faire admettre qu’elle a tort, qu’elle devrait revoir son jugement sur telle ou telle situation s’avère plus difficile encore que de gravir l’Everest en sous-vêtements et sans équipement. Il faudrait être plus que doué pour y parvenir.

Elle l’appelait Maman. Ca avait été une femme souvent stricte, mais particulièrement attentive aux besoins des siens, de la meute. Toujours là pour aider son prochain, qu’elle le connaisse ou non. Elle était la première à proposer son aide, à donner de sa personne. Elle avait étonnamment bien supporté la première grossesse - qui avait été pourtant des plus éprouvantes. Malheureusement, il n’en avait pas été de même pour la seconde. Le loup qu’elle portait était intenable comme son père, plus encore que ne l’avait été la petite Harper.

Elle l’appelait Papa, d’autres l’appelaient Johnny. C’était un père distant avec sa fille, sa seule et unique fille. Cette dernière lui ressemblait plus qu’il ne voulait bien l’admettre, sa femme n’avait de cesse de le lui répéter. Il ronchonnait dans son coin avant de lancer un regard sur sa fille qui répondait comme il le faisait lui-même, parfois. Souvent. Quand il perdit sa femme, il se tourna alors vers sa chair et son sang. Elle ressemblait à celle qu’il venait de perdre et avait son caractère de bagarreur. La perte d’un être cher fut le déclencheur à ce qu’il attendait de voir : la première transformation de la jeune Ravenwood. Elle n’avait pas encore 15 ans. Elle qui voulait sortir avec ses amies, flirter à la lueur de la lune, se pomponner, elle assista impuissante à la naissance de son alter ego poilu. Johnny avait soutenu sa fille comme il le pouvait bien évidemment. Il l’avait conseillé, guidé, rassuré. Il était enfin le père que l’adolescente espérait voir une jour. Ce n’était pas évident pour lui. Il devait lutter avec le deuil, la colère, la tristesse qu’il ressentait et un jeune loup qu’il fallait guider dans sa nouvelle vie. Harper s’étonnait encore aujourd’hui de la patience dont il avait fait preuve. Ils devinrent de plus en plus proches au fil des années et des transformations. Malheureusement, lorsqu’elle prit la décision de se joindre aux prédateurs pacifistes, Johnny coupa totalement les pints avec sa fille.

Il s’appelait Andrew. C’était son premier amour, un homme fort, indomptable, comme elle les aimait. Comme son père. Ils se querellaient souvent et se réconciliaient rapidement. Ils s’étaient rencontré à son retour à Reversa. Partisan chez Léviathan, il s’était éloigné quelques jours quand il avait compris que celle qu’il aimait était une lycane. Finalement, il était revenu et posant une question qui avait marqué Harper : celle de lui demander si elle pouvait transformer un humain - si ce dernier le désirait - en lycan. Elle avait immédiatement compris ce qu’il sous-entendait, il voulait faire partie de ce clan restreint. Elle avait longuement refusé mais l’amour avait été plus fort. Elle voulait vivre avec lui. Mais il avait été bien moins fort qu’elle ne l’avait pensé. Il n’avait pas supporté la transformation. Harper avait pourtant suivi les règles au pied de la lettre. Elle avait fait une demande, elle avait demandé conseil auprès de ceux qu’elle côtoyait. Tous le lui avaient déconseillé mais elle n’avait pas écouté, n’écoutant que son coeur.

A la suite de cet incident, elle avait pris la décision de ne plus jamais transformé qui que ce soit. Elle était restée au manoir quelques semaines, le temps de reprendre du poil de la bête et surtout reprendre le contrôle de ses émotions qui avaient été bouleversé par cette perte. Ensuite, elle était redevenue fidèle à elle-même. Sa bonne humeur n’avait pas failli bien qu’il lui arrivait de repenser à Andy avec nostalgie.

Je m’appelle Harper Ravenwood. Je suis une lycane-née et bien que j’en sois plus que fière aujourd’hui, l’apprentissage a été long et douloureux. Si je n’avais pas été issue d’une famille de lycan, j’aurais certainement passé le plus clair de mon temps à l’hôpital. On vous traite de chétif, vous êtes petit et faible. Mais vous ne l’êtes que pour une seule et unique raison, vous contenez en vous une bête indomptable. Je n’ai été au courant que très tardivement, mes parents voulant certainement savoir si je tiendrais le choc de la transformation. Quand j’ai perdu ma mère, j’étais tellement triste, je me suis sentie tellement seule que les émotions me paraissaient incontrôlables. Aujourd’hui, je sais que c’est cette perte qui a tout déclenché, qui a libéré le loup. Le procédé a pourtant été laborieux. Chaque transformation était horrible, chaque fois que les os se brisaient, je me disais que ça ne devrait pas recommencer, que je ne pourrais pas en supporter d’avantage. Puis à chaque fois que je redevenais moi-même, je me relevais plus forte. Il m’a fallu beaucoup de temps et de volonté pour parvenir à dompter la bête qui sommeille en moi.

J’ai du partir à Londres pour faire mes études. Pas trop loin pour que je puisse veiller sur mon brute de père et pour qu’il me tienne informer de tout. J’ai du faire des choses peu glorieuses pour pouvoir payer mes études. Parfois il faut fermer les yeux sur les moyens pour atteindre ses fins. Devenir médecin me tenait plus à coeur que ma propre dignité. Je n’ai pas non plus fait ça pendant 10 ans, juste les deux premières années. Une fois le diplôme en main, je suis revenue à Réversa où j’ai pu voir celle-ci grandir et évoluer vers le pire plus que vers le meilleur.

Il ne fallut pas beaucoup de temps après mon retour pour que les choses bougent. Les Anges ont débarqués, prétendant changer les choses. Ils ne sont pas restés longtemps au pouvoir. J’observais cela au travers des victimes qui atterrissaient à l’hôpital. Ce fut à ce moment que j’ai rencontré Andy, je lui avais soigné une méchante blessure, sans lui demander dans quel camp il était, comment il s’était fait ça. Je n’étais pas arrivée là pour poser des questions, mais pour limiter les dégâts qui résultait de ces conflits discontinus. Mon père avait rejoint la résistance et se plaignait à chaque fois que je le voyais.

Quand la Résistance mit fin au gouvernement des Anges, je ne vous dis pas à quel point je fus soulagée et Johnny fou de joie. Le Hunter pourrait enfin rouvrir et les victimes se feraient moins nombreuses. J’ai beau adoré mon métier, je n’aime pas devoir noter l’heure à laquelle mes patients ont passé l’arme à gauche. Finalement, le reste m’importe peu. Ce dont je rêve est utopiste, je le conçois volontiers, mais un minimum réalisable si on y met chacun du sien.

Derrière mon masque et mes gants, j’y ai cru quelques temps. Jusqu’à ce que le secret éclate à Bristol, jusqu’à ce que la mise en quarantaine soit demandée. J’ai toujours été très attachée à cette ville et cette intimité qui nous coupe du reste du monde, mais je trouve cela pas très raisonnable. Cette solution est extrême. Encore une fois, l’idée de base n’est pas mauvaise, mais c’est quand même rapidement partie en sucette. J’ai donc pris la décision de devenir bénévole pour Mithra. Ce côté pacifiste et désireux d’unir toutes les races est ce qu’il y a de mieux selon moi. Et puis il m’arrive d’aller faire un tour à l’Arène. Non pas pour me défouler, quoi que je le pourrais, mais surtout pour vérifier que personne ne meurt. Evidemment, depuis mon père est totalement contre. Bornés comme nous le sommes, aucun de nous ne reparle à l’autre tant que l’un de nous n’aura pas fait le premier pas. Ca pourra prendre des années.

Allongés dans mon lit, aucun de nous n’a sommeil. Pourtant je baille. « Non, je ne suis pas fatiguée », lui dis-je avant qu’il ne me le demande. Nous ne sommes pas ensemble depuis très longtemps. Nous ne sommes pas ensemble du tout en fait. C’est une passade, comme on en fait parfois pour oublier son passé, ou parce qu’on a trop bu pour l’oublier. C’est ce qu’on appelle un sex-friend. D’abord un ami puis on s’est mis d’accord pour se dire qu’on y gagnerait tous les deux à se lancer dans cette histoire. Le seul risque, je crains qu’il ne tombe amoureux de moi. L’inverse n’est pas possible, je le sais. Plus maintenant, plus après ce qu’il est arrivé à Andrew.

Dis, pourquoi tu as décidé de rester ? A Reversa je veux dire.

« Est-ce que j’avais vraiment le choix ? » Je me mets sur le côté, le coude plié, la main sous la tête et le regarde, le sourire aux lèvres. Je trouve sa question bizarre et pourrait totalement la lui retourner. « Pourquoi pas après tout ? Mon père vit ici, même s’il ne me parle plus, mes amis… Et je ne pourrais pas m’éloigner de la meute… » Je me redresse et m’assois, genoux contre la poitrine, tête sur les genoux. Un long soupir m’échappe. « Ils sont ma famille. Et puis, j’ai beau être du côté pacifiste, je dois reconnaitre que Neil a raison d’en vouloir aux Anges. C’est eux qui ont foutu la merde de prime abord. Alors c’est totalement légitime de leur en vouloir, de vouloir se venger…»

Je le sens se redresser à son tour et il dépose des baisers sur mon épaule dénudée. « Oui je sais ce que tu vas dire… Je ne suis pas objective. Mais parfois je me dis que mon père a raison. Que je ferais mieux de rejoindre Léviathan et que les Anges répondent enfin de leurs actes. Mais je dois être trop gentille. Trop naïve. » Oui c’est ça. Je suis trop naïve. Je crois que tout Homme est intrinsèquement bon. Que tous peuvent changer pour le meilleur et que l’on finira pas cohabiter dans le meilleur des mondes. Oui je sais, on ne vit pas au pays des bisounours. Mais que vous voulez-vous ? C’est ainsi que je vois la vie. C’est aussi pour cela que je préfère soigner que détruire. C’est cette naïveté qui me pousse à avoir l’esprit ouvert et ne pas voir le mal là où tous voudraient voir des têtes tomber.