Enjoy liberty ~ Matt Tuder & Ruth Forest

Le voile obscure de la nuit venait tout juste de tomber sur Réversa. Une brume opaque se levait doucement dans les rues de la ville, laissant entrevoir la lueur diffuse des lampadaires de Railway street. Ce quartier de pavillons tranquilles et endormis, était l’endroit idéal pour une attaque de Nocturnes. Vampires et Lycans ne faisaient pas toujours bon ménage. Je m’emmitouflais d’avantage dans ma veste et mon écharpe, car le froid humide m’était désagréable. Je n’aimais pas l’approche de l’hiver et encore moins le silence qui régnait dans cette ville depuis plusieurs semaines. Le calme avant la tempête ne présageait rien de bon.

Depuis la mise en quarantaine de la ville, mon envie de partir d’ici était grandissante. Je ne saurais dire s’il s’agissait de mes propres désires ou ceux de mon loup intérieur. Qu’importe, aujourd’hui je devais mettre toutes mes questions de côté, car il était grand temps de fêter un heureux événement. Je n’avais rien dit à Sophie. Les derniers événements font qu’elle n’aurait jamais accepté que je puisse m’oublier dans l’alcool avec des camarades lycans et vampires.

J’ai comme l’impression que depuis cette soirée où je l’ai mise en relation avec Damian, elle m’échappe … je redoute quelque chose, mais peut-être s’agit-il simplement d’une imagination trop fertile. Bref, je bifurque dans une autre rue, toute aussi silencieuse. C’est à peine si je croise un chat … Enfin, la lueur d’un bar m’interpelle. De l’autre côté de la rue, dans l’épaisseur du brouillard, je peux entendre le tintement des verres et le brouhaha assourdissants de rires gras et heureux. Je jette un coup d’œil au carton d’invitation. C’est bien cette adresse.

N’étant pas quelqu’un qui aime se mêler au bain de foule, j’ai toujours évité ce genre d’endroit. Je préfère de loin les bars peu réputés, calmes et où l’on s’entend parler. Mais je ne pouvais pas refuser l’invitation, ayant moi même fortement contribué à la libération de mon client. J’inspire un grand coup et pousse la porte. A peine après avoir franchit le seuil, une vague de chaleur me frappa en plein visage. Des cris, des rires, des exclamations et une ola s’élevèrent en mon honneur. J’étais gêné par tant d’attention, que je me frayais un chemin, tête légèrement baissée pour ne pas déranger l’assemblée. Mais mon imposante carrure ne laissait pas les gens indiscrets. On vint m’aborder à plusieurs reprises pour me féliciter. Je souriais bêtement, sans vraiment comprendre ce qu’on me disait. Oui, oui … j’ai sauvé la vie d’un pauvre lycan. C’était mon métier. Prouver l’innocence d’un homme qui avait commis un crime d’être né dans la mauvaise famille. Combien de Nocturnes ont été jugés par simple fait d’être ce qu’ils sont ? Je ne comptais plus les dossiers.

Je pris un verre qu’un jeune homme m’offrit. Mes yeux analysèrent la scène. Le bar était blindé de lycans et de vampires. Pas le moindre humain, ange ou elfe à l’horizon. L’ambiance était festive. Tout le poids néfaste et raciste de cette ville était tombé dans l’oubli, le temps d’une soirée.

Soudain, une jeune femme m’aborda. Décidément, je n’aurai pas le droit à un moment de répit pendant cette soirée.

« Merci » ne put-il s’empêcher de répondre brièvement.

Il considéra Ruth un instant. Elle l’avait lourdement aidé dans cette affaire. Sans elle, il n’aurait jamais pu aider son ami. Le manque de preuves et surtout le manque d’investissement de la part du lycan ne lui avaient pas facilité la tâche. Heureusement que la vampire avait été présente durant toute l’affaire.

« Mais tu as une grande part de responsabilité dans cette affaire. Après tout, sans ton aide, nous n’en serions pas là. Je pense qu’il mérite ce qu’il lui arrive. Mais rien n’est acquis. Surtout à Réversa … Il faudra bien lui dire d’être prudent, car malgré son innocence, je doute fort que l’Ordre le laisse tranquille. Ici, rien n’est vraiment fait pour les gens comme nous … je le vois tous les jours. »

Bien sûr, je m’occupais bien plus de dossiers houleux, avec meurtre à la clé, mais notre nature nous poussait à être violent. Les Réversiens le savaient, alors pourquoi incriminer chaque nocturne pour ce qu’il faisait, au lieu de mettre en place de véritables solutions ? Non, les membres de l’aristocratie se gaussaient bien de notre situation précaire et insupportable. Ils pouvaient remplir sans mal la prison de Réversa. Une fois celle-ci pleine, ils procèderaient à des éliminations. Après tout, qui serait contre d’éliminer le « mal » de cette ville ?

« Il faut faire preuve de solidarité entre Nocturnes pour être plus forts. La tension est palpable ces derniers temps, avec la mise en quarantaine … mais je pense que vampires et lycans devraient se souder les coudes, plutôt que ressasser les mauvais souvenirs. Ton investissement dans cette enquête est vraiment bien vu Ruth. Et je pense le souligner dans mon rapport que je remettrai à la cour de justice. »

Je lui fis un clin d’œil complice et bu une gorgée.

« En tout cas, je suis bien content de les voir tous aussi joyeux ! J’espère ne pas avoir loupé grand chose. »