Aksel Hillburn [et pas de phrase originale..]

Le dictaphone ses met en marche dans un léger grésillement alors que votre pouce presse le rugueux bouton. Sur l'appareil, un nom est écrit et une date, en patte de mouche, vient s'ajouter en dessous : Aksel Hillburn, 28/11/2015. Un toussotement, et votre voix parvient à vos oreilles, déformée par la qualité moyenne de la machine.

Mr Hillburn est ... calme. C'est la première chose que l'on constate. Il ne s'emporte pas, et il est difficile de comprendre ses émotions derrières ses yeux bleus glace. Il ne laisse presque rien transparaître, et les rares instants où il le fait se terminent vite. Si je n'étais pas sûr que ce fût une constante dans son comportement,, je le classifierais de sociopathe, mais il n'a aucune forme de sadisme ni de cruauté. Il est juste..impassible. Il est maître de lui-même.

Une sévérité cependant transparaît dans ses mots, et il lui arrive de l'exprimer directement à l'oral. Sévère envers lui-même surtout. Il a la constante impression de toujours faire les choses de façon... de la mauvaise façon. Qu'il y a toujours un meilleur moyen. Cela ne l'empêche néanmoins pas d'agir quand il le faut, mais c'est la rétrospéctive sur ses actes qu'il juge sévèrement. Dérive vers un auto-apitoiement ? A surveiller

Je l'ai surpris plusieurs fois à fureter de l'oeil dans la pièce. Il a un esprit analytique, observateur. Je suis sûr qu'il n'a pas manqué de remarquer les photos de vacances sur mon bureau, ni que la pièce a une décoration très zen, japonaise presque. Couplé avec son apparente quiétude, c'est .. dérangeant.

Il a un humour très cynique, très réaliste, ironique même. Son air sérieux fait qu'il arrive parfois qu'il ne soit pas compris. Surtout qu'il ne mâche pas ses mots. L'ensemble peut paraître insolent. Vrai ou faux ? Je ne saurai encore le dire. Il me faudra plusieurs autres séances pour le déterminer.

Au cours de nos conversations, par contre, j'ai découvert qu'il était très protecteur envers ses proches. En a t-il seulement ? Sûrement une sorte de complexe lié à son impuissance durant l'incendie. C'est aussi pourquoi il est un membre actif d'organisations plus ou moins licite. Il aurait eu une belle carrière dans les forces de l'ordre. Policier ou militaire.

Physiquement, le sujet est en excellente forme. Son corps est développé, et on voit qu'il passe pas mal de temps dans les salles de sport. Lié à son austérité ? à son besoin de toujours faire mieux, donc de s'améliorer ? Aucune idée.
Je me demande si ce..

Un bruit se fait entendre : trois coups frappé à la porte. Une voix étouffée par la distance semble dire que le prochain patient est là. Le dictaphone coupe à ce moment là, laissant le reste de la cassette tourner dans le vide.
.

Je suis né dans la forêt. Au milieu des arbres. 1988. Non, je ne suis pas humain.

Un demi-sourire vient teinter son visage grave d'une touche de nostalgie.

C'est presque cliché. Vous voudrez que je vous raconte mon enfance, mais je n'ai pas réellement beaucoup de chose à dire. J'étais doué. Curieux de tout et calme, ce qui est peut-être la conséquence du précédent. Quand on passe son temps à comprendre comment les choses marchent, on n'a pas vraiment le temps de raconter n'importe quoi. J'ai donc appris vite. Plus vite que la plupart des jeunes de mon âge.
Cela dit, je n'étais pas ennuyant. J'avais.. enfin, j'ai..une amie, Ariane, avec qui je faisais quelques coups bas. C'était sûrement la seule raison qui la poussait à rester avec moi.
Quoi d'autre.... Ah, restons cliché. A 16 ans je suis devenu apprenti. Dans un peu tout.

Son regard se perd quelques instants dans le vide, et l'homme se met à se mordiller la lèvre inférieur.

C'était l'adolescence. On fait du sport pour impressionner les filles, on sort jusqu'à pas d'heure. Une petite touche de folie, comme tout le monde.. et aussi Le premier amour. On s'est même fiancé.
C'était presque trop idéal. . .
Vous êtes au courant des évènements de février. LE grand incendie.


Une grande inspiration, et la voix qui semble flancher quelques secondes avant qu'elle ne retrouve son timbre grave habituel.

Je n'ai pas eu le temps de prendre grand chose . Je sortais du ciné, et je raccompagnais Ariane chez elle d'un bras, et de l'autre Gabrielle, ma fiancée.
Lorsque les premiers feux ont pris, je me rappelle très bien son expression horrifiée. Mais vous vous en foutez n'est-ce pas ? Ce n'est pas elle qui vous intéresse...
Sachez juste alors qu'elle est partie chercher ses parents, et je ne l'ai jamais revue. De mon côté, Ariane m'a trainé dehors, alors que je voulais la suivre. J'aurais pu la sauver..

Son regard se durcit, mais son visage reste de marbre.

C'était LEUR faute. A ces espèces de connard au gouvernement. Ces anges stupides et imbues de leur propre personne. J'ai décidé d'agir dès mon arrivé en ville.
Il ne m'a fallu qu'un mois pour trouver la Résistance et la rejoindre. Ariane était avec moi. Nous avions souffert par la faute de ces enfoirés, et nous comptions bien leur faire payer.

Une courte pause, le temps de boire une gorgée d'eau dans un verre proche, puis il reprend.

Tout le monde a souffert par leur faute en réalité. J'ai accueilli un vampire chez moi, lorsque les anges les ont viré de l'Eden. Louis. C'était l'un des plus anciens que j'ai vu. 178 ans. Il est retourné en France à la chute des Anges.. Bref..
Ce passage dans la Résistance a été l'un des meilleurs moments de ma vie. Nous nous battions, unis, en mémoire de ceux qui sont morts. Et nous avons gagné. Nous avons viré leurs fesses enrobées de Prada des sièges de la mairie. L'Assemblée a pris la relève, et j'en ai été.

Un soupire s’exhale d'entre ses lèvres, et il rajuste sa position sur son siège.

Ça n'a pas suffit. Après tout ce qu'ils ont fait, après les atrocités commises, ils ont juste eu à suivre un programme d'humanisation. C'était impensable. Les autres ont été mous..

J'ai contacté deux anciens de la Résistance : Anthea et Freyja. Nous avons fondé Leviathan, une entité qui deviendrait le moyen de nous faire entendre, de leur faire payer..
L’élection a prouvé que le peuple en avait marre, et s'il n'y avait pas eu la perfidie de Tristan, ce .... cet ange que j'ai dû suivre pour le C.A.H, sa race serait encore en prison.
Et puis Freya est morte. Je savais qu'il se tramait quelque chose. Elle aurait dû m'en parler, je l'aurais aidée.. Mais au lieu de ça, elle n'a plus donné de nouvelles. Et elle est morte.

Un deuxième soupire se fraye un chemin aux travers de ses lèvres.

Ne comptez pas sur moi pour rester inactif pendant que mes amis se font décimer un par un. Février n'était qu'un avertissement..

L'homme se lève, et sa stature d'athlète recouvre d'ombre le carnet dans lequel vous notez consciencieusement ce qu'il vous disait.

Désolé docteur, mais il faut que je vous laisse. je prends mon service à la Taverne dans une demi-heure.

Vous êtes sûr ? C'est un peu abrupte comme départ non ? Qu'es-ce que vous essayez de fuir ? Qu'est-ce qui vous fait peur ? J'ai remarqué que vous ne parliez pas beaucoup de ce que vous ressentez. Evidemment, votre choix de vocabulaire trahit ce que vous pensez, mais je veux vous entendre le qualifier avec vos mots. Rage ? Colère ? Impuissance ?

C'est.. inutile. Si vous n'êtes pas capable de comprendre ce qu'on ressent, vous devriez envisager une reconversion..

Vous êtes sévère..N'imaginez pas que je n'ai pas compris, mais dites-vous plutôt que je préfère que vous vous en rendiez compte par vous-même.


C'est le cas. C'est juste que je ne vois pas l'intérêt de le crier sur les toits. Est-ce un mal de préférer agir plutôt que s'épancher ?

Un léger rire vous fait tressauter sur la chaise

Alors pourquoi donc me payez-vous ?

Sûrement la première bonne question que vous soulevez depuis le début..

Vous vous agitez, mal à l'aise. Essaye t-il de faire de l'humour ? Vous ne sauriez réellement le dire

Et bien...Puisque vous êtes décider à partir maintenant, pourquoi ne nous reverrions nous pas ..


Vous vous levez de votre imposant fauteuil, et vous vous dirigez vers le bureau qui trône au centre de la pièce. Un fouillis de stylo recouvre la surface. Vous n'avez pas eu le temps de faire le ménage encore. Votre patient le regarde en haussant légèrement un sourcil.
Peu importe. Votre attention se porte sur le carnet en cuir noir, au centre du meuble. L'ouvrant, vos mains en parcours les pages jusqu'à s'arrêter sur une ds rares lignes blanches. Mardi 9h.

Mardi matin ? Vous êtes libre 9h ? je peux vous bloquer une heure.

Bien.. Sur ce..

Enfournant ses mains dans ses poches, il se dirige alors à pas tranquille vers la porte. Vous restez seul avec vos notes..

Aksel referma la porte derrière lui. Machinalement, il jetta le trousseau de clefs sur la table basse qui jouxtait la penderie. S'attaquant à son manteau en cuir, il le laissa glisser le long de ses bras, l'arrêtant in extremis pour venir ensuite le pendre à côté d'un trench noir. Il en profita pour se déchausser, et à leur tour, fit subir l'abandon à ses bottines de cuir.

Il fit quelques pas, ses chaussettes glissant sur les lattes du parquet, s'arrêta à l'entrée du salon et soupira. Il se sentait vidé. Exténué. La fatigue plombait son esprit et son corps comme une masse noirâtre. D'abord la séance chez le psy cette aprème, puis le boulot ce soir. Le cumul se faisait sentir.

Ses pas le menèrent près de la table basse, à droite de la pièce. Par la baie vitrée, l'elfe voyait les lumières des lampadaires projeter une lueur orangée sur les murs. Le monde paraissait en feu. Il était tard. On était après le dernier service de la Taverne, où Aksel travaillait depuis.. quelques années maintenant, et la plupart des gens biens dormaient à cette heure-ci. Surtout dans cette partie de la ville, où les nocturnes rôdaient en nombre.

Lui n'avait jamais eu grand chose à craindre. Son sang elfe repoussaient les plus affamés. Quelques fois il aurait aimé que ça repoussât tous les affamés, pas seulement les vampires, histoire d'avoir des soirées de boulot tranquilles. Mais ce n'était pas le cas.

Il attrapa la télécommande d'une main, alluma l'écran mural, et repartit de l'autre côté de la pièce, où l'attendait gentillement et patiemment sur un plan de travail la machine à café. Dans son dos, un feuilleton lambda faisait déclamer à des acteurs encore plus inconnus des lignes qui ne méritaient aucune attention. Aksel ne leur en donna aucune, mettant la moindre parcelle de son attention sur ses gestes.

Les effluves du café ne tardèrent pas à embaumer la pièce. Autant il adorait l'odeur, autant il n'était pas spécialement fan du goût. Seule la caféïne faisait qu'il restait accro à cette boisson. Il ne voulait pas dormir, il n'aimait pas dormir. Ses rêves étaient remplis de feu et de cris. Il voulait profiter du calme, de la paix qu'apportait la nuit. Une paix relative, car ici, à Reversa, l'autre moitiée de la population s'éveille lorsque l'obscurité vient.

Il alla s'affaler sur le canapé qui trônait en face de l'écran, et dégusta à petite gorgée son café. Il ne prêta qu'une oreille polie à la demoiselle qui se plaignait à l'écran, se perdant dans la buée montant de la tasse et dans la douce chaleur du liquide le long de sa langue.

Son portable sonna dans sa poche. Reposant la tasse, Aksel se leva pour l'en sortir. Sérieusement, les gens ne pouvaient pas le laisser deux minutes ? Ses yeux notèrent alors le noms sur l'appareil. Dean. Son collègue de travail. A nouveau, il soupira, et décrocha.

"Oui Dean ?
-Aksel ? Sérieux mec, j'ai besoin de toi là.
-....
-J'ai un rendez-vous avec une bombe demain mat', mais j'suis de service. Ca te gênerait de prendre mon tour ? Je l'ferai la prochaine fois que t'auras l'appel de la D aussi !

Dean était un mec bien. Enfin, la plupart du temps. Le reste, c'était un fumeur de pétard assaisonné d'un tireur de coup façon uzi, ce que Dean appelait "l'Appel de la D" et qui, selon lui, était le propre de sa condition d'homme. Les deux s'entendaient relativement bien. Aksel avait plusieurs fois couvert les frasques de Dean, qui lui rendait de temps en temps.

"Et elle s'appelle comment cette fois ?
-Crystale
-Comme la strip-teaseuse ou comme la drogue ?
-C'est quoi ça ? Une blague ??
-En quelque sorte.. Bon, et tu dois donc voir Crystale pour le petit déjeuner ?
-Ouai, je passe la chercher chez elle. Je ne suis pas sûr qu'on verra la porte du resto pour déj' si tu vois c'que j'veux dire.
-Non, ça ira. Je ne veux pas voir..Bon ben à après demain alors.
-T'es génial ! Si j'étais gay, j'crois que j'te sauterais dessus !
-Tu l'es quand tu as pris un pet.
-Quedal ! Je t'assure que c'était une fille !
-A part les cheveux long, je n'ai pas vu beaucoup de poitrine.
-Tsss .. Bon merci mec ! à plus !

A l'autre bout, Dean raccrocha. Aksel soupira pour la cinquième fois de la journée. Bon, autant pour la soirée au calme alors. S'il ne voulait pas ressembler à Kristen Stuart demain midi, il était temps d'aller dormir.

Se levant, il termina sa tasse d'un coup et ne se rendit compte de sa bêtise qu'après l'avoir vidé. Sa propre stupidité arrivait encore à l'étonner...

Le jeune homme se dirigea vers le couloir, et ouvrit la porte de sa chambre. Un lit au milieu, un placard sur la droit, et une décoration très sobre. Il commença à déboutonner sa chemise, et ouvrit l'attache de son ceinturon. Face à lui, le miroir renvoya muettement son image. Un corps bien bâti, recouvert de tatouages, d'environ un mètre quatre vingt cinq. Une gueule d'ange. D'ange dur, certes, mais d'ange quand même. Deux yeux fins, de la couleur d'un ciel clair. Des cheveux châtains parsemés de mèches plus clair. Il savait qu'il aurait cette apparence pour encore de nombreuses années. Il était un.. Elfe... après tout..

Une fois ses vêtements enlevés, il éteignit la lumière et se glissa dans les draps. Les bruits de l'Arène arrivait sporadiquement, au gré des coups portés. Ses yeux s'arrêtèrent sur le plafond qu'il devinait dans le noir. Entre ça et le café, la nuit serait courte...