A Tale of Two Sons [Abel]

« T'as pas honte ? On vient de finir et t'en allumes déjà un ! »

Abel étira ses lèvres en un large sourire stupide, et tendit son joint vers son coéquipier.

« Ooooh il est déçu parce que je lui ai pas encore proposé une taffe ! »

Geste automatique, l'Elfe avait absolument besoin de son décompresseur après le boulot. Ils venaient de franchir la porte que son briquet s'allumait. L'indignation du collègue était totalement fausse, habitué qu'il était à partager un peu de ce moment avec lui. Abel ne rêvait pas, l'homme râlait. Le meilleur collègue qu'il aurait pu avoir. Aucun risque de dénonciation. Heureusement qu'il était tombé sur lui, parce qu'il aurait été incapable de faire attention.

Mais le service était terminé et les deux compères, même s'ils s'aimaient bien, préféraient se séparer et rentrer chez eux. C'était un petit miracle si sa voiture tenait encore debout. A chaque fois qu'Abel ouvrait la porte, c'était le jeu du quitte ou double. S'ouvrira, s'ouvrira pas ? S'ouvrira, tombera ? Ouais, s'ouvre et se referme en bonus ! Ensuite, les clés dans le contact... Démarrera, démarrera pas ? Et ça fit vroum ! Avant de profiter de cette chance, il se pencha quand même pour ouvrir légèrement la fenêtre de l'autre côté – celle côté chauffeur étant coincée. Maintenant que tout était opérationnel, direction le Red.

Et non, il n'ajoutait pas la picole à son palmarès. Il ne se refusait pas un verre de temps en temps, hein, c'était pas un moine. Un pilier de bar non plus. Ça, c'était son frère – oh quelle belle famille ! Mais non, de derrière le bar, roh tout de suite. Skylar, c'était le réussi des deux. C'était pas un soûlard ni un drogué. Abel avait beau ne pas culpabiliser pour sa dépendance – personne ne lui reprochait les médicaments qu'il devait prendre quotidiennement en parallèle –, il avait conscience de ce qu'en pensaient les gens, de son image négative. Et Sky n'était pas un chiant de premier ordre pour autant. Sinon, l'aîné ne serait pas content de le voir – et ils ne se verraient pas autant.

Quand il se garait près du pub, le service de Sky devait bientôt se terminer. Plutôt que de l'attendre comme un con dans la voiture, Abel décida d'entrer dans le Red. Qui savait, peut-être qu'il allait un peu faire chier frérot au boulot... A l'intérieur, il y avait du monde pour une nuit de semaine. Fallait dire que tout se déréglait depuis l'annonce de la quarantaine. L'Elfe ne porta pas attention aux gens, jusqu'à ce qu'il entende le barman conseiller un type de questionner le groupe de jeunes. Des vampires. Pour un Réversien, les reconnaître constituait un exercice plutôt facile. Pour un Prométhéen, la manœuvre se révélait encore plus simple. Et dans ce cas précis, la question ne se posait même pas : au contraire des vampires ne faisant rien pour se cacher, ils espéraient qu'on reconnaisse leur nature. L'inconnu s'était retourné et regardait avec appréhension le groupe cité. Il avait vraiment pas l'air dans son assiette. Quand il arriva à leur hauteur, ce dernier sursauta, sûrement trop concentré dans une bataille mentale. Oser, pas oser ?

« T'inquiète, je mords pas, moi. »

Il accompagna ses paroles d'un sourire carnassier avant de se tourner vers son frère, tout guilleret.

« Hey Skylander préféré, tu me sers une bière ? T'as fini dans combien de temps ? »

Peu importaient les remarques, Skylander était et resterait le petit surnom du petit frère. Évidemment, il ne l'avait pas toujours été, il avait fallu attendre le lancement du jeu vidéo, Abel ne faisait pas de tel coup de génie. Abel et génie ne rimaient pas, la preuve. Alors que l'être non bleu s'installait sur un tabouret, la voix de l'inconnu les interrompit.

« Mon... Monsieur... Que vouliez-vous dire ? Il y a vraiment des gens qui mordent ici ? Ils vident leur victime de leur sang ? »

Abel le regardait avec des yeux aussi larges que des soucoupes volantes. C'était pas perplexe qu'il était. On se foutait de lui, non ? Sans répondre, il interpella Sky :

« C'est qui cet abruti ? »