Le Bon, la Brute et le Réversien | Piste de danse

Ça faisait des semaines que les couloirs de Mithra bruissaient d'excitation à l'idée de la grande soirée caritative. La dernière fête de cette envergure remontait à longtemps et avec les évènements récents, la possibilité d'une soirée de détente était réellement réjouissante. J'avais le sourire ce soir-là en sortant de chez moi pour rejoindre Marius qui m'attendait en bas de mon appartement. Contrairement à ce que j'aurais pensé je n'avais pas eu à beaucoup insister pour qu'il m'accompagne à la soirée. La boule de stress qui s'était logée dans mon estomac à l’idée d’un véritable « rencard » avec Marius, s’envola quand je passais la porte de mon immeuble. Il m’attendait, accoudé au lampadaire qui éclairait le porche de mon immeuble, ses boucles souples tombant sur son front ombrageaient ses yeux et mon ventre se sera. Ce mec finirait par avoir ma peau à force d’être aussi attirant sans rien faire. Il était comme à son habitude habillé avec gout et mon pull en laine et mon jean me faisait vaguement honte. Je prenais le temps de me recentrer avant de m’approcher de lui pour le serrer dans mes bras en inspirant à plein nez. J’avais petit à petit commencé à le faire parce que j’en avais simplement eu envie et que me battre constamment contre moi-même finissait par m’épuiser. J’attrapais finalement son bras et après quelques minutes de marche le chapiteau se dressa devant moi.
J’avais tenu à garder le thème de la soirée secret y compris pour moi et je faillis exploser de rire en voyant les cactus, la paille et les bénévoles déguisés en Cow-boy, indiens et autres joyeusetés. Le décor était très agréable et quand un bénévole me tendit un chapeau pour que j’y pioche un papier, je le fis avec plaisir. J’avais toujours adoré me déguiser et pour le coup, le thème me rappelait de bon souvenir d’enfance. Le papier m’indiqua que j’étais donc un Cow-Boy pour ce soir. Avec un large sourire je poussais un Marius plutôt réticent et qui marmonnais des « hors de question, jeu de gamin, blablabla » vers le chapeau : « Aller, sois sympa, joue le jeu ! Si tu le fais pas pour Mithra fait le au moins pour moi, j’vais avoir l’air complètement ridicule si j’suis déguisé et pas toi ! »
Je fonçais ensuite au stand d’achat pour me munir d’un magnifique Stetson brun foncé, d’un holster de la même couleur, un foulard rouge et d’un lasso ! J’étais comme un gosse avec toute la panoplie du cow-boy ! J’allais prendre un verre et m’installer sur une sorte de tonneau qui avait l’air de faire office de table en attendant que Marius me rejoigne. La petit scène face à moi m’intriguait ainsi que le sol en parquet, jusqu’à ce que je voie un couple s’approcher et commencer à danser. Aie, c’était définitivement pas pour moi ça.

Spoiler:

Cela faisait maintenant un moment que plusieurs associations de la ville s’étaient regroupées afin d’offrir à la ville un moment de fête et de répit. Mithra en faisait partie et Marius y avait pris part. Oh il n’avait pas fait grand-chose et il n’avait clairement pas été celui qui avait choisi le thème : farwest. Non mais sérieusement. Lui qui venait tout droit du XIXe siècle anglais se sentit assez mal lorsqu’il arriva devant l’entrée aux allures de fête foraine dans l’Arkansas. Concrètement, il avait surtout aidé à l’organisation du bar pour les vampires. Il n’y avait pas de raison que ces derniers ne puissent pas se désaltérer en même temps que les autres, et de plus, ça éviterait les petits soucis « techniques » de ceux qui n’arrivent pas à retenir leur soif.

Bref. A l’entrée, Jared l’obligea (presque) à tirer un papier du chapeau. Shérif. Ben voyons. Il sourit légèrement, plus gêné qu’en colère, et s’équipa comme son opposé d’un stetson brun foncé, d’un colt et d’une étoile de shérif. Ce soir, fallait pas l’emmerder. Il allait faire régner l’ordre et la justice. Hum. Il s’éclaircit la gorge en regardant Jared. « Tu crois vraiment que c’est une bonne idée que je sais shérif pour la soirée ? »

Il le suivit jusqu’à une mini buvette. Sensiblement pas Le Bar qu’il avait aidé à organiser car juste devant eux une scène était installée, un groupe jouait de la country music et un espace libre assez important était installé juste à côté. La piste de danse. Marius sentit ses cheveux se hérisser sur sa tête, Jared allait-il le forcer à danser ? Le savoir-faire de Marius en matière de danse s’arrêtait aux danses de salon que la haute société anglaise montrait aux bals des débutantes chaque année et durant les bals de saison. La country ne faisait clairement pas partie de ce répertoire.

Il avisa un couple qui vint se mettre à danser, un deuxième le suivit. Il jeta un coup d’œil à Jared. Marius savait bien que des animations avaient été prévues et que manifestement, ils allaient devoir danser. « Jared, je crois qu’on y coupera pas… Je te préviens, j’ai deux pieds gauches. » affirma-t-il avec beaucoup de classe comme si c’était tout naturel et qu’il n’y avait aucune honte à avoir. Faut dire qu’avec son âge, il n’avait plus honte de grand-chose.

S'il avait la tête à s'amuser ? Non. S'il avait trop bu pour savoir réellement ce qu'il faisait ? Peut-être bien, ouais. A vrai dire, Lorens n'avait aucune idée de la raison qui l'avait poussé à venir ici. Les lumières et la musique avaient attiré son attention, tout simplement. L'ambiance était agréable et originale, alors pourquoi pas. Le policier s'aventura à l'intérieur du chapiteau, observant les gens autour de lui, ses sens un peu embrumés par l'alcool. Les dernières nouvelles concernant le Grand Incendie l'avaient vraiment mis dans un sale état. Cela faisait combien de temps qu'il n'avait pas pris une vraie cuite ? Ça non plus, il n'avait aucune idée, mais il s'en foutait. Il était seul en ville, sa famille était à Bristol et lui, il était sur nerfs et vachement bouleversé. Alors oui, il allait boire ce soir et s'éclater.

Il avait acheté un chapeau de cow-boy quelques minutes auparavant ; il était un cow-boy bourré, génial ! Un rire narquois franchit la bouche du brun, qui tenait un verre de whisky à moitié vide. Des gens s'étaient mis à danser autour de lui, et là, le spectre avait vraiment l'impression d'être tombé dans la quatrième dimension. Qu'est-ce qu'il faisait là, bordel ? Hepburn tituba légèrement et heurta quelqu'un, déversant quelques gouttes de whisky sur le pauvre malheureux.

« Meeer... deuh. »

Corsage et longue jupe en froufrous composaient la tenue de la brunette qui s'avançait dans la pièce son sac pendant le long d'une corde qu'elle retenait de ses doigts. Amusant de voir comme sa tenue correspondait presque parfaitement - elle n'était pas spécialement rentrée dans le détail. Un verre de cocktail à la main - elle avait pris sa soirée pour pouvoir en profiter au maximum - elle avançait en direction de la piste de danse, slalomant entre les différentes personnes qui commençaient soit à se déhancher ou à discuter lourdement avec leurs interlocuteurs.

Elle vit Lorens de dos, et alla à sa rencontre, avant de le voir se retourner et renverser son verre sur son voisin. Aouch. La brune se hâta de sortir un mouchoir de son sac, le tendant en direction du désormais imbibé. Elle déposa sa main sur le bras de l'ancien elfe et lui fit un clin d'oeil amusé.

" Hé, heureusement que tu n'as pas atteint le bar avant, on aurait une inondation avant même que la soirée ne soit complètement lancée "

Elle avisa le duo fortuitement rencontré avant de se pencher dans une révérence, et de secouer sa jupe.

" Que diraient ces messieurs d'un nouveau départ, en compagnie d'une jeune demoiselle qui leur apprendra à mettre deux pieds l'un devant l'autre? "

Elle se redressa, glissant une jambe derrière l'autre et faisant un léger plié.

" Noralynn, danseuse, pour vous servir."

Je venais d’adresser un sourire contrit a Marius en lui expliquant que je n’étais, malheureusement pour nous, pas meilleur danseur que lui quand un mec, passablement bourré, percuta l’épaule de Marius. Le choc n’avait pas été violent mais avait néanmoins suffit à faire se renverser une partie du verre de whisky, à en croire l’odeur, de l’inconnu sur le costume de Marius. J’esquissais une grimace, l’odeur et la tâche s’avérerait probablement difficile à enlever, et Marius tenait à ses vêtements. Ils étaient tous de grande qualité et chacun de ses costumes devaient probablement couter plus cher que l’intégralité de ma garde-robe. Un bras gracile tendis un mouchoir a Marius. Je relevais le nez et tombais sur un visage jeune et charmant. Habillée comme une danseuse de saloon la jeune femme était sublime et elle dégageait en plus d’une grande grâce, une impression de force assez troublante. Après s’être gentiment moqué de ce qui semblait être son ami, elle s’inclina en une gracieuse révérence avant de nous proposer une danse et de se présenter.

« Noralynn ? C’est peu courant comme prénom ! Je m’appelle Jared et si tu n’as pas peur de te faire marcher sur les pieds, j’accepte la proposition avec plaisir ! ». Le tutoiement m’était naturellement venu, elle ne devait pas être beaucoup plus vieille que mes sœurs, et puis quitte à se retrouver sur une piste de danse autant essayer de danser !

Je passais mon bras autour de celui de Noralynn pour me diriger à ses côtés vers la piste de danse, quand une sensation bizarre me pris au tripes. J’adressais un regard intrigué à Marius qui semblait… préoccupé ? Énervé ? Aucune idée mais il avait un air bizarre sur le visage que je mis quelques secondes à comprendre. Il était jaloux ! Cette simple supposition suffit à me faire sourire et c’est avec un petit rire que je laissais à Noralynn le dur labeur de m’apprendre à danser.

A peine arrivés sur la piste de danse que quelqu’un de passablement éméché, semble-t-il, bouscule le pauvre Marius. Résultat : une tâche de whisky sur sa magnifique veste Armani en velours bordeaux. De l’alcool sur du velours. Autant dire que le pressing allait en chier pour rattraper ça. La nature pacifique de Marius l’empêcha de se mettre à hurler sur le malheureux qui avait commis cette petite (grosse) erreur mais ses lèvres se pincèrent et son regard se fit plus noir. Il bomba légèrement le torse, se redressant autant que possible sachant qu’il se tenait droit de nature.

« Votre nom. Votre adresse. Les frais du pressing vous seront envoyés dès demain. Monsieur. »

C’est en finissant sa phrase qu’il reconnut enfin l’alcoolique maladroit. Il s’agissait, ni plus ni moins, de Lorens qu’il avait croisé par le passé et qu’il croisait encore régulièrement. Leurs conversations tournant souvent autour d’un sujet particulièrement dangereux et tabou (pour Marius). Il n’avait encore jamais parlé à Jared d’une éventuelle « guérison » vampirique et il n’avait clairement pas envie qu’il l’apprenne dans ses conditions.

Alors que Lorens titubait dangereusement, Marius le retint par les épaules et en profita pour lui souffler quelques mots à l’oreille. « Pas un mot sur nos conversations. » Mais Jared ne faisait déjà plus attention et il partait avec une jeune femme charmante sur la piste de danse. Le vampire victorien ne put s’empêcher de tiquer. Après tout, Jared n’avait jamais été gay jusqu’à présent et une femme aussi belle était une concurrente directe. Marius soupira légèrement et entraîna Lorens vers deux chaises installées face à la piste de danse. « Tu devrais boire un café…. Ou même plusieurs. Tu empestes. »

« Une inondation... »

Le spectre regarda Noralynn comme si elle était une extraterrestre qui venait tout juste de débarquer sur Terre, même si un sourire stupide ornait ses lèvres. D'où est-ce qu'elle sortait elle ? Et ce type aussi, tant qu'on y est ? Le brun regarda l'homme sur qui il avait renversé son whisky tout en se grattant le menton.

« Désolé, mec. »

Il avait merdé, visiblement. Mais ses paroles auraient pu être plus convaincantes si Lorens ne se retenait pas de rire d'une façon aussi évidente. Les gens qui dansaient, la musique, son propre comportement... tout semblait si ridicule ce soir ! Peut-être qu'il était en train de rêver, aucune idée. Quoi qu'il en soit, Noralynn proposait déjà aux deux hommes de leur apprendre à danser. Si l'un d'entre eux semblait carrément partant, ce n'était pas vraiment le cas de ce vampire, vu qu'il le regardait à présent Un vampire dont la gueule lui disait quelque chose... Est-ce qu'ils se connaissaient ?

« Vous. »

Je me souviens de vous, voilà ce qu'il voulait dire. Le policier sursauta légèrement lorsque le nocturne le retint par les épaules, trop habitué à associer les Vampires à des potentielles menaces. Il n'était pas vraiment en état de se défendre là, et même bourré, Lorens s'en rendait compte.

« Nos conversations ? »

Il ne cherchait pas à être discret, mais bon, il n'était pas en état de faire ça non plus. Cela dit, il finit par comprendre où Marius Cavendish, voilà son nom, voulait dire par là. Apparemment, le vampire ne voulait pas que l'autre humain apprenne pour ses doutes à propos du Rituel. Il hésitait à le passer, mais la vérité était que la possibilité de redevenir humain ne semblait pas le laisser complètement insensible. Mais soit, il n'allait rien dire.

« Ah... »

D'accord, voilà ce qu'il voulait dire cette fois-ci. L'ancien elfe se laissa entraîner par le vampire vers une chaise installée face à la piste de danse, avant de s'y installer maladroitement. Putain, il avait peut-être trop bu, hein. Cela ne l'empêcha cependant de lâcher un rire taquin face aux paroles de l'ancien.

« Han ! C'est sûrement ton odorat surdéveloppé... qui te fait croire que j'empeste. Mais va pour le café ! »

Dit-il en levant les bras, comme s'il venait de dire "Partons donc faire la fête sur Reversa Square !", avant de faire un signe de la main à Noralynn et l'ami de Marius alors qu'ils commençaient à danser.

Et bien, quelque chose lui disait que Lorens allait bien dormir ce soir... Un sourire amusé orna les lèvres de la brunette qui tourna son attention vers les deux autres hommes avant de leur proposer une danse. Après tout, autant mettre ses compétences au service de la communauté non? C'était le principe même de toute son éducation, autant la mettre en pratique. Elle hocha la tête avant de soupirer et de souffler d'un ton fataliste.

" Que voulez-vous, les Elfes ne peuvent rien faire comme les autres... Mary ou Elisabeth n'étaient pas des prénoms assez tapageurs apparemment! "

Bras-dessus, bras-dessous avec l'homme en question, la policière se dirigea vers la piste de danse avec un léger signe de main en direction de Lorens. Quelque chose lui disait que son ami allait passer un sale quart d'heure, mais qu'il était assez grand pour se débrouiller tout seul.

" Est-ce que vous avez déjà dansé sur de la country? "

Avec un signe de tête en direction de l'étrange couple formé par son ami et le vampire elle glissa tout de même.

" Rassurez-moi votre ami ne va pas faire de la charpie du mien? "

A l’évocation de la raison qui nous a poussés au milieu des couples dansant déjà, je ne peux empêcher une grimace mêlant dégout et gène de s’étaler sur mon visage. Je ne sais pas danser, enfin si, un peu, ma mère m’a appris à danser la valse quand je devais avoir 15ans histoire de me préparer pour je ne sais quel cérémonie de lycée. Je dois avoir quelques restes quand même, le souci n’étant pas que je n’aime pas ça, j’aime bien danser ! C’est assez agréable comme activité mais la « bienséance » veut que ce soit monsieur qui guide madame et mon problème revient en force : je ne sais pas danser. Donc je ne peux pas guider de dame sur la piste, donc je ne peux pas danser et ça tourne en un cercle vicieux ! Bien que ma grimace ait du parler pour moi j’explique la situation à Noralynn en espérant qu’elle prendra la situation en main et ne se moquera pas trop. Je tourne à mon tour la tête vers Marius qui continue à balancer des ondes étranges que j’avais d’abord prise pour de la jalousie mais qui ne semblait pas être ça vu son intérêt pour Lorens.

« Non, ne vous en faites pas ! Marius va surement lui grogner dessus un coup, avec beaucoup de classe comme l’y oblige son légendaire flegme british mais il ne lui fera pas de mal ! Tout au plus il lui fera payer le traiteur ! Et si vraiment Lorens est un rustre, ajoutais-je avec un sourire, il jurera sur La Reine Mère de se venger mais n’en fera probablement rien ! »

Avec un léger pincement au cœur en voyant mon opposé si concentré dans sa conversation je retourne mon attention vers Noralynn.

« Vous êtes décidément bien aimable d’aider un vieil homme comme moi à danser ! » lui lance-je dans un rire »

Il avait déjà bu quelques gorgées de café, mais franchement, il était toujours aussi bourré. Tout restait plutôt flou autour de lui. Pour ne pas dire fou. Lorens retira son chapeau de cow-boy, avant de le regarder d'un air curieux. Etrangement, cette ambiance lui plaisait, et le temps de quelques instants, le spectre oublia la cuisante trahison des Anges, qui l'avait sérieusement secoué. Remettant son chapeau, l'ancien elfe se leva, puis il lança un regard au vampire.

« Ce n'est pas que ta compagnie me déplaît, maaais euh... J'ai envie de danser ! »

Le brun étira un large sourire tout en écarquillant les yeux, ce qui lui donnait carrément un air cinglé, mais il s'en foutait royalement. Let's dance, babe ! Si tout le monde ou presque dansait, c'est parce que c'était bon, non ? Et cela faisait combien de temps depuis qu'il n'avait pas dansé ? Peut-être depuis le jour de son mariage ? La vache ! Ça ne pouvait pas être vrai ! Avançant vers la piste de danse, le trentenaire ferma les yeux et se laissa emporter par la musique, se sentant plus léger que jamais. Peut-être trop même.

« 'Zolé ! »

Fit-il après avoir heurté quelqu'un, avec un sourire gêné. Puis il se remit à danser, indifférent face aux regards des autres.