Red City | Event 5 ans

Il y avait cette projection dont tout le monde parlait à Reversa. La publicité qui avait été faite autour de cet événement avait été à la fois suffisante pour être sur toutes les lèvres mais néanmoins assez légère puisqu'on ne connaissait même pas le nom du réalisateur si ce n'est qu'il était originaire de la ville. Le froid s'installait en cette période automnale et Charlize n'était pas contre s'installer bien confortablement dans un fauteuil en grignotant quelques popcorns tout en élargissant sa culture cinématographique. Cependant, l'aristocrate, comme à son habitude, courrait après le temps qu'il lui manquait. Elle aurait été ravie que les journées durent quelques heures de plus, au lieu de quoi la nuit tombait de plus en plus tôt. Quand elle arriva sur le parvis du forum, la foule était déjà installée devant l'écran géant installé pour l'occasion. Pas le temps de s'emparer d'une coupe de champagne, dans la salle principale, les lumières étaient déjà toutes éteintes. Elle se glissa alors silencieusement sur un siège libre en fin de rangée pour y prendre place. Avec un œil lycanthrope, il n'y avait rien de plus facile !

À peine leva-t-elle les yeux vers le film qu'une scène violente l'enfonça un peu plus dans son fauteuil. Elle posa les mains sur ses accoudoirs en agrippant celle de son voisin dont elle ne prit même pas la peine de discerner les traits tant elle était choquée par la violence des images. Elle déglutit difficilement devant ses images de loups qui tuaient sans vergogne. Était donc de ça dont elle était capable quand elle se transformait ? Probablement. Peut-être n'était-ce finalement pas si mal que sa mémoire occulte quelques passages de ses horribles métamorphoses. Comment pouvait-on vivre avec l'idée d'être aussi violent ? De toute évidence, elle avait toujours préféré jeter son venin avec ses mots plutôt qu'avec ses crocs.

Les lumières se rallumèrent en mêmes temps que des exclamations se faisaient entendre. Une personne masquée prit alors la parole et la conseillère leva les yeux au ciel en apercevant ces masques. « Oh, ce n’est pas vrai, encore eux ?! » Pour sûr, les éberlués de la galerie d’Art, c’était eux. Prometheus comme ils se faisaient désormais appeler. Elle souffla et se promit de ne jamais ô grand jamais n’assister encore une fois à un événement mondain à Reversa. Les prises d’otage, très peu pour elle.

Il était venu plus par curiosité et attrait de l'art qu'autre chose, il fallait l'avouer. Et c'est avec sa coupe de champagne encore en main que l'ancien prêtre s'était rendu dans la salle de projection, la mine fermée, se questionnant encore sur sa présence dans les lieux.

Il avait suivi la séance avec une impatience grandissante. Plus les images se succédaient, plus Adam devait se retenir de sourire et de s'amuser de la réaction qu'avaient les gens autour de lui. Il ne l'avouerait jamais à voix haute, mais il cautionnait largement l'action menée par ce nouveau groupuscule. Tiens, leur nom était assez bien trouvé. Prometheus. Tant qu'ils n'avaient pas la même destinée que le héros grec...

Il répondit par le silence à la remarque de la jeune femme qui se trouvait devant lui, savourant doucement les commentaires qui fusaient autour de lui. Pour uune fois, il appréciait le chaos.

Les derniers événements dans la vie de Harald inquiétaient Riley. Elle avait tenu à l'accompagner à cette séance de projection de film artistique. Confiant ainsi Darren à la nounou habituelle qu'ils avaient. Elle ne voulait pas avouer à l'elfe qu'elle était inquiète pour lui. L'empathe trichait, utilisant son don pour évaluer son état émotionnel constamment. C'était bien mieux que la parole et s'il apprenait un jour ce qu'elle faisait, elle était sûre qu'il comprendrait que l'humaine à don le faisait pour son bien. Riley fronça les sourcils quand le film débuta, et mer**, cela n'annonçait rien de bon. Elle n'aimait pas comment cela se déroulait. Elle avait beau être humaine, elle avait toujours prôné la liberté des autres races. Et elle n'avait rien contre les nocturnes. D'accord, un groupe de vampires l'avait quand même mâchouillée comme un os mais voilà.

La femme capta le regard de son compagnon et posa sa main sur la sienne. Prometheus, le nom promettait ! Ils ne risquaient rien, ils n'étaient pas nocturnes mais Riley connaissait des nocturnes et ils disaient des conneries, ce groupe.

« Je me disais bien que cette ville était trop calme. »

Souffla-t-elle. Trop calme pour être vrai, tout simplement.

L’aristocrate reconnue sans mal la voix féminine non loin d’elle. Elle leva les yeux au ciel, se demandant ce qu’elle avait bien pu faire au bon Dieu pour que chacune de ses sorties se finissent en traquenard. Bienvenue à Reversa ! Charlie, la tatoueuse, n’était habituellement pas d’une très bonne compagnie. A chaque fois que les deux lycanes  se croisaient, cela finissait en prise de bec incommensurable. Si Charlize n’avait pas la langue dans sa poche, c’était comme si l’asiatique quant à elle en profitait pour la faire sortir de ses gonds à la moindre occasion. Il n’était pas rare que la louve prenne alors le dessus dans une transformation toujours aussi déchirante. La conseillère financière la détestait pour ça.

Alors que tous ceux qui entouraient Charlize semblaient attendre la suite des événements avec une certaine appréhension, elle se leva brusquement de son fauteuil. Non pas pour prendre la parole, discuter avec ces extrémistes sur son abominable condition ne serait d’aucune utilité. Surtout que dans le fond, elle approuverait sans doute leurs propos puisqu’elle détestait au moins autant qu’eux les nocturnes. Mais elle n’était pas assez idiote pour se tirer elle-même une balle dans le pied alors il valait mieux qu’elle se tire d’ici tout court. Elle empoigna vigoureusement son manteau et son sac. « Cette fois-ci je n’attendrais pas qu’on m’empêche de sortir d’ici. » marmonna-t-elle. En attendant de pouvoir s’éloigner vers la porte de sortie, elle jeta un regard à Charlie et pour une fois ce n’était pas de la haine qu’on pouvait lire dans ses yeux bruns, mais une lassitude générale. Elle jetait les armes. Hors de question de se battre pour défendre des créatures qui avaient brisé sa vie en mille morceaux. Son humanité lui manquait et plus les jours passaient plus l’idée d’accomplir le rituel inverse la séduisait. Au moins, elle en aurait fini avec toutes ces conneries.

Le brun suivait le débat avec intérêt, les uns et les autres qui se relevaient pour partir, ceux qui commençaient à bavarder entre eux et ceux qui restaient sans opinion. Lui pour le coup, en avait une bien tranchée.

Adam releva lentement les yeux vers la lycane qui s'était levée et siffla perfidement, l'air de rien.

" Vous devriez vous assurer qu'ils n'aient plus rien à dire avant de quitter cette assemblée. On ne sait jamais."

Bien qu'il n'apprécie pas beaucoup de travailler avec des Nocturnes, il fallait reconnaître que les garder dans sa poche.

La voix d'un ange l'interpella et elle tourna la tête en sa direction, curieuse pour le coup.

« Car vous savez ce qu'ils vont dire ? »

Demanda-t-elle à l'homme. Sa tête lui disait quelque chose et elle plissa les yeux. N'avait-il pas fait une déclaration au public une fois ? Peut-être bien. Sa question n'était en rien méchante, juste suspicieuse. Elle voulait savoir si cet ange savait quelque chose. Elle ne voulait pas être prise dans une mêlée avec Harald si cela devait arriver. Aux mots de son compagnon, elle leva le museau et regarda le plafond.

« Allons en hauteur Harald, il y a des balcons. »

C'était peut-être leur chance d'éviter de se faire massacrer. Elle se leva et le tira par la main.

Quand elle entendit l’homme lui suggérer de ne pas quitter les lieux, elle se retourna vivement vers lui. « Pourquoi faire ? Je connais leur discours : ‘les nocturnes, c’est le mal. On va tous vous tuer !’. Bouhhh !! » mima-t-elle avec ses mains manucurées comme si elle était effrayée par ses idiots. Elle était exaspérée tout simplement. « Si ils cherchent la guerre, ils vont l’avoir. Mais affronter des tueurs sanguinaires, c’est à mon humble avis, très idiot. La situation est claire voyez-vous : soit ils me tuent, soit c’est moi qui les étripe. Dans les deux cas, je n’ai pas envie d’assister à ce carnage. Alors si vous voulez-bien m’excuser. » Elle s’extirpa alors des fauteuils sans en perdre ses bonnes manières d’aristo et s’excusant devant les gens qu’elle dérangeait ou les quelques pieds sur lesquels elle piétinait malencontreusement.

Cependant, dans sa fuite, l’asiatique la retint et Charlize écarquilla les yeux devant ce qui semblait être une proposition de se joindre à elle. « Mieux vaut être seule que mal accompagnée. » répliqua-t-elle avec un petit sourire en coin qui hurlait la provocation. Elle voulait bien essayer de faire des efforts, mais dans ce climat c’était trop lui demander.  Tandis que ces talons claquaient, des voix s’élevèrent parmi la foule. Un lycan qui s’approcha dangereusement du groupuscule fit entendre sa colère. Il y avait même une humaine qui criait au scandale et montrait du doigt les cruautés passés des Anges. Peu importait qui prenait la parole, il y avait de toute évidence toujours quelqu’un sur qui jeter la pierre. La conseillère financière leva les yeux aux ciels. « Tous ne cherchent pas à massacrer des innocents… » lâcha-t-elle avec suffisamment d’éloquence pour que ses voisins l’entendent mais pas assez fort pour que ça n’arrive aux oreilles des éberlués qui se tenait sur l’estrade. Se rendait-elle vraiment compte qu’elle était en train de défendre sa race ? Certainement pas, elle n’avait en tête que sa propre expérience.

Le brun dirigea son regard vers la rouquine qui l'interpellait avant d'étirer un sourire énigmatique parfaitement emmerdant pour celui qui le recevait, sans aucun doute.

" Pas le moins du monde. Mais s'ils ont lancé ce petit débat, ce n'est pas pour rien."

Il leva les yeux face à la réaction de la Lycane - typique de cette race cet énervement notoire - avant de se retenir d'avoir une réaction stupide lorsque Leviathan prit la parole. Ah bah tiens! Il y avait longtemps qu'on ne les avait plus entendu ceux-là, songea-t-il amèrement.

" Innocents, innocents... C'est quand même vite dit, mademoiselle Ashford..."

Riley était entrain de monter des tours. Elle lança un regard glacial à l'ange qui parlait de débat. Il n'y avait pas de débat, c'était juste une poudrière. Elle parlait d'aller en hauteur, Harald accepta mais ce fut trop tard. Elle lui lança un regard d'excuse et se leva sur un siège. Sa frêle stature domina la foule.

« Au nom de quoi parlez-vous de la Résistance ?! Je suis encore la mieux placer pour savoir ce que nous faisions ! Dévoilez vos visages ! Vous n'êtes pas dignes de parler de la Résistance, vous n'êtes que des chiens des anges. Des chiens peureux et lâches ! »

Sa voix vive provoqua des réactions et des hurlements suivirent son discours. Riley ne pouvait pas se taire, la résistante en elle se le refusait.

« Les Lycans et les Vampires sont des nôtres ! Ils ont porté la Résistance et jamais je ne permettrais des clowns de souiller Notre Résistance ! Affrontez-nous ou partez ! »

Souffla-t-elle avec plus de rage. Les hurlements augmentèrent tandis qu'elle toisa avec rage un visage masqué. Elle avait une dague sur elle et lentement, elle la fit glisser dans sa main. Hors de question que des gens parlent au nom de la Résistance, c'était elle la Résistance et les autres. Elle refusait qu'on souille ce qu'elle avait créé pour sauver des anges de la tyrannie, jamais ! Riley chercha une brèche dans ce combat qui s'annonçait, elle était bien décidée à se battre, elle aussi. Son empathie vibrait au creux de son organisme pour lui renvoyer la rage mais aussi l'insécurité de certains. Les nocturnes n'étaient pas leurs ennemis, c'étaient les anges, tout simplement.

L’aristocrate ne pu s’empêcher de sourire subtilement devant la réflexion de Charlie envers cet homme qui était extrêmement agaçant. En effet, la diplomatie n’était pas ce qui  caractérisait l’asiatique, mais c’était bien la première fois qu’elle se servait de son bagout pour défendre la conseillère financière. Elle aurait pu spontanément la remercier d’un regard mais son esprit était encore embrumé par toutes ces crasses qu’elles avaient l’habitude de s’envoyer. Pour rien au monde, Charlize n’accepterait que leur lycanthropie commune soit une excuse pour une amitié naissante, même en temps de crise. Elles ne partageaient qu’une queue poilue et des yeux jaunes, en dehors de ça, elle la haïssait autant que tous les autres animaux de sa race.

Non loin de là où elle avait été assise, une femme se leva sur son fauteuil pour prendre la parole au nom de la Résistance. Si son discours en avait interpellé plus d’un, créant d’avantage de bruit dans la salle, c’est la lame qui glissa dans sa main douce qui interpella Charlize. Une seule goutte de sang et elle savait la louve prête à bondir sur la foule. Elle n’était pas prête à vivre une énième transformation ce soir, elle ne le serait sans doute jamais. L’aristocrate fit alors demi-tour en direction de mademoiselle Reid. Elle se saisi alors de sa main pour lui glisser dans un murmure à l’oreille. « Ranger ça Mademoiselle Reid, avant que quelqu’un ne soit blessé. Il suffit d’une seule goutte de sang pour déchainer ceux que vous essayer de défendre. » Et elle parlait en connaissance de cause. En toute vérité, elle pensait plus à ce dont elle était capable de faire elle. Elle se tourna alors vers l’estrade en espérant avoir été suffisamment convaincante. « Ils n’attendent que ça derrière leurs masques. » soupira-t-elle.

L'avocat haussa un sourcil tout en adressant un regard perçant à l'asiatique qui venait de s'adresser à lui. L'emplumé? Vraiment? Il ne se trouvait pas spécialement gros pourtant. Un sourire sarcastique, empli d'ironie vint orner ses lèvres et Adam ne put s'empêcher d'afficher cette moue supérieure qui était propre à ceux de sa race.

La situation devenait réellement risible. D'un côté on avait ces gens, qui dans le fond, servaient comme il le fallait le discours angélique, et de l'autre ces anciens Résistants vibrants de rage, alors que l'Ordre peinait à remettre la population dans le droit chemin. Que de morale dans une ville qui ne vivait que par le sang...

" S'ils ne sont pas capables de résister et d'afficher un semblant de contrôle, alors peut-être que ces gens sur cette estrade ont raison."

Riley était traitée comme une vieille mémé attardée. Une main se posa sur la sienne tandis qu'une lycane lui souffla de ne pas le faire. La rousse posa son regard vibrant de rage sur la femme. Son empathie vibrait et lui renvoyait la colère des gens mais aussi l'inquiétude, l'inquiétude de Harald. Merde, elle l'avait oublié. La femme posa son regard clair sur son compagnon qui ne désirait qu'une chose : rentrer. Darren. Lentement, l'humaine à don rangea sa dague et descendit de son siège. Ses mains glissèrent sur les épaules puissantes de l'elfe et elle se blottit tendrement contre lui.

« Je suis désolée Harald.... Désolée. »

Désolée d'être toujours qui elle était. Elle pouvait se renier mais pas continuellement. Elle observa une autre lycane se rapprocher d'un ange et tourna la tête vers la brune qui s'était occupée de la calmer.

« L'autre lycane va s'en prendre à l'ange. Si elle lève la main sur lui, cela en sera fini de votre race. »

Souffla-t-elle. Elle devait partir, elle et Harald. Elle glissa sa main chaude dans celle de son homme.

La foule continuait de s'énerver et de s'exciter alors que les membres présents de l'Ordre faisaient tout leur possible pour contenir la folie générale. Des coups de feu se firent entendre alors que chacun se précipitait sous les sièges pour éviter les balles perdues.

La porte de la salle, jusque là encore fermée, s'ouvrit brutalement pour laisser apparaître des dizaines de policiers armés, venus en renfort pour prêter main forte à leurs collègues déjà présents.

« Tout le monde se calme. Chacun sortira deux par deux de la salle. »

La police locale était présente et prenait les choses en main. A l'extérieur du forum, une autre équipe était prête à intervenir au moindre faux pas. La consigne pourtant était claire : arrêter un maximum des membres de Prometheus.

Ce n’était certainement pas les mots de l’aristocrate mais plutôt la main calme de son compagnon qui convainc Mademoiselle Reid de redescendre de son siège. Elle mit alors en garde Charlize sur le comportement de sa compère qui s’en prenait à l’homme dont le ton hautain ne plaisait à personne. La conseillère financière serra les dents dans sa réflexion car de prime abord, elle n’avait aucune envie de calmer l’asiatique, elle méritait bien de se prendre une petite dérouillée par l’homme à la langue bien pendue. Mais d’un autre côté, cela ne ferait que confirmer les dires du Prometheus sur la violence des nocturnes.

Soudainement, avant même d’avoir eu le temps de s’extirper des lieux, des coups de feu retentirent dans la salle de projection. Instinctivement, Charlize porta ses mains au dessus de sa tête en s’accroupissant derrière les fauteuils. Ses yeux prirent une jolie couleur dorée reluisant d’inquiétude. Devant elle, elle croisa le regard de Charlie.

Quand la voix des policiers leur recommanda de sortir deux à deux, l’aristocrate se releva minutieusement en adressant un mouvement de tête à l’autre louve. « On y va. » lui murmura-t-elle. Elle avait beau avoir refusé sa compagnie tout à l’heure, elle préférait ne pas s’aventurer seule vers la sortie.

L'avocat leva son regard anthracite sur la jeune femme qui s'approchait de lui, vaguement menaçante. Bouuuh, pour un peu, il tremblerait de peur. Une lycane asiatique, ce n'était pas ce qui était le plus courant à Réversa. Férocement, l'Ange grava chacun de ses traits dans sa tête, avant de se lever à son tour et de lui faire face, déployant toute sa carcasse devant elle, sans pour autant montrer aucun signe de violence. Il n'était pas vraiment effrayé pour un sou et ne pouvait à la fois masquer son mépris. Mais il était également hors de question qu'il s'abaisse devant cet être inférieur.

L'Ordre pénétra alors dans la salle, à coup de tirs et il se retourna avant de s'accroupir au sol, histoire d'éviter les balles perdues. Il y resta le temps que ces derniers leur demande de sortir et fila sans demander son reste, mitigé par la soirée qu'il venait de passer, ses opinions encore plus renforcées.